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Technologie intelligente : Vers des bâtiments durables

Pour évoluer vers un monde climatiquement neutre, le parc immobilier – responsable de 37 % des émissions de CO2 et de 34 % de la consommation d’énergie – doit devenir plus durable. En ce sens, le gouvernement souhaite réduire les émissions de son parc d’au moins 85 % d’ici à 2050. À mesure que les températures augmentent, l’Europe se tourne de plus en plus vers les technologies intelligentes pour accélérer la transition écologique. (Wendy Thijs)

Cette accélération est nécessaire. Le temps presse et le monde n’est pas sur la bonne voie. Selon l’ONU, en 2021, la consommation totale d’énergie et les émissions de CO2 du secteur de la construction ont dépassé les niveaux antérieurs à la pandémie. Les émissions de l’exploitation des bâtiments ont même atteint un niveau record. Les technologies intelligentes peuvent réduire ces émissions, car elles améliorent l’efficacité, la salubrité et le confort des bâtiments.

Qu’est-ce qui rend un bâtiment intelligent ? L’intelligence n’est pas toujours liée à la technologie. La taille et l’orientation des fenêtres peuvent par exemple optimiser la consommation d’énergie. Mais pour réaliser des gains importants, il est encore difficile de se passer de technologies intelligentes. Smart Buildings in Use, un cluster du centre d’innovation Buildwise, suit les progrès en la matière. Ruben Delvaeye, Cluster Manager, explique : « Un bâtiment intelligent est un bâtiment durable et économe en énergie qui peut être utilisé et géré efficacement grâce à une conception intelligente, aux installations nécessaires et aux systèmes connectés. Le confort de l’utilisateur est aussi pris en compte : un bâtiment intelligent garantit une expérience optimale pour l’utilisateur. »

Optimiser l’espace

La technologie des lieux de travail intelligents est une solution simple pour améliorer l’efficacité énergétique d’un bâtiment. Moins d’espace signifie moins de gaspillage. AXA Belgium en est un exemple. L’entreprise a équipé son bureau de plus de 2.000 capteurs sans fil qui cartographient l’occupation des lieux. Sven Toelen, de l’entreprise Spacewell, indique : « Grâce à ces capteurs, AXA a pu déterminer que cinq postes de travail pour 10 travailleurs suffisaient. L’entreprise a pu gagner plus de 6.000 m² de surface au sol, réaliser des économies d’environ 2,4 millions d’euros par an et obtenir la certification BREEAM. »

« Les syndicats y étaient réticents. Ils s’inquiétaient de la protection de la vie privée et soupçonnaient l’entreprise de vouloir licencier. Mais la collecte des données est anonyme et vient de permettre à AXA de passer à l’activity-based working, qui permet d’aménager les espaces en fonction de leur utilisation. Outre les grandes salles de réunion, il existe de nombreuses salles plus petites. Des espaces sont prévus pour le travail qui exige une concentration extrême, pour les réunions informelles et pour téléphoner. »

Rénovation intelligente

Plus l’intelligence est introduite tôt dans un projet de construction ou de rénovation, plus les gains énergétiques sont importants. Buildwise en fait la démonstration avec son nouveau siège. L’entreprise a délibérément opté pour la rénovation, prouvant ainsi que même un bâtiment existant peut devenir intelligent. Et ce n’est pas rien, sachant que 85 à 95 % des bâtiments actuels seront encore là en 2050 et que la plupart d’entre eux ne sont pas efficaces sur le plan énergétique.

Buildwise a appliqué l’intelligence dès la phase de conception en utilisant le Building Information Modeling (BIM). Ruben Delvaeye explique : « Cela a permis de créer un modèle numérique et dynamique qui teste différents scénarios. Nous avons pu déterminer l’impact d’un double vitrage par rapport à un triple vitrage ou les avantages du refroidissement nocturne. Sur cette base, nous avons pris des décisions concernant l’enveloppe du bâtiment et le concept HVAC. Le bâtiment a été équipé de centaines de capteurs, d’actionneurs et de contrôleurs qui surveillent notamment le fonctionnement des installations, la température et la qualité de l’air. Un système de gestion des bâtiments a été développé pour contrôler et optimiser en permanence le fonctionnement et l’efficacité des installations. Ce système permet aussi de contrôler et d’ajuster la consommation d’énergie et d’eau. »

Intelligent de la conception à l’exploitation

Aujourd’hui, le suivi et les adaptations nécessaires sont encore en partie effectués manuellement. Mais parce qu’il existait déjà un modèle numérique, ces processus ont pu être en partie automatisés grâce à un jumeau numérique, une copie virtuelle alimentée par les données du bâtiment, qui contrôle les systèmes et les actionneurs du bâtiment. Le jumeau numérique analyse des informations telles que la température, la qualité de l’air, le taux d’occupation du bâtiment et le confort de l’utilisateur. Les algorithmes prennent en compte les données en temps réel, les données historiques et les facteurs externes tels que la météo. Le système finit par reconnaître les schémas et atteint une efficacité énergétique considérable sans compromettre le confort. C’est en fait un avantage, car les algorithmes prédisent ce que les utilisateurs veulent ou ce dont ils ont besoin et réagissent en conséquence. Le jumeau numérique effectue cette opération sans intervention humaine.

L’immeuble de bureaux Fluvius à Dilbeek donne une idée des économies potentielles. Le système HVAC y consomme en moyenne 38 % d’énergie en moins. Ici, une commande prédictive basée sur un modèle (MPC) a été utilisée, une technologie développée par Builtwins. Damien Picard, CEO de Builtwins, explique : « Les installations deviennent de plus en plus complexes, avec des technologies et des systèmes de production d’énergie multiples. Sans un système de commande adapté, ces derniers n’atteignent souvent pas l’efficacité prédéterminée. La MPC fait fonctionner tous les systèmes ensemble et peut, par exemple, agir anticipativement en fonction des prévisions météorologiques. Le système peut réagir aux prix variables de l’énergie et consommer de l’énergie au moment le plus avantageux ou utiliser la chaleur résiduelle d’une zone pour en chauffer une autre. »

Prêt pour l’avenir

Le tout nouveau campus de l’innovation Living Tomorrow à Vilvorde est aussi truffé de technologies intelligentes. Joachim De Vos, co-président : « Les fenêtres ont des capteurs et s’ouvrent lorsque le niveau de CO2 dans une pièce devient trop élevé ou se ferment lorsque le vent se met à souffler fort. On peut déjà parler d’un bâtiment autodidacte qui sait ce qui se passe entre ses murs et peut interagir avec l’environnement. Éclairage, ombrage, chauffage et refroidissement : tout est contrôlé automatiquement et peut être optimisé en permanence. À partir de janvier, nous montrerons aux visiteurs comment cela fonctionne grâce à des lunettes de réalité augmentée. »

« Cela devient intéressant lorsque les bâtiments commencent à communiquer entre eux, ce qui peut permettre de moderniser tous les bâtiments d’une ville simultanément. Mais cela nécessite un degré de normalisation et d’évolutivité qui n’existe pas encore aujourd’hui. Comme pour les smartphones et les voitures électriques, il faudrait une marque qui fixe la norme. Cela va favoriser la percée des bâtiments intelligents, car un bâtiment intelligent est de facto un bâtiment bien entretenu. Et un bâtiment bien entretenu dure plus longtemps. En outre, l’entretien deviendra beaucoup plus efficace et moins coûteux, ce qui est plus intéressant pour les propriétaires. »

Smart Readiness Indicator

Convaincue du potentiel des technologies intelligentes, l’Europe a mis au point l’indicateur de potentiel d’intelligence (SRI), une méthode permettant d’évaluer la capacité des bâtiments à interagir avec leurs utilisateurs et avec les réseaux d’énergie connectés. Pour neuf domaines techniques (chauffage, ventilation, éclairage, etc.), le SRI examine les technologies qu’un bâtiment possède ou pourrait utiliser et leur degré d’intelligence. De cette manière, la SRI vise à sensibiliser aux avantages offerts par les technologies des bâtiments intelligents. L’initiative belge VITO/EnergyVille a collaboré à cette méthode, qui a depuis été testée dans plus de 100 bâtiments. Elle constitue un complément utile — bien que pour l’instant non contraignant — à la directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB).

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