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Madaster - Un levier pour la construction circulaire

Depuis le 2 janvier, le passeport numérique des matériaux est opérationnel en Belgique. Cet outil vise à encourager la transition vers la construction circulaire et s’adresse à tous les acteurs de la chaîne de construction. « Ce n’est pas en proposant un produit de niche aux poids lourds du secteur que celui-ci va changer. » (Wouter Temmerman et Wout Ectors)

Madaster est opérationnel dans notre pays depuis le 2 janvier, mais sa période de lancement a été étonnamment longue. Cette plateforme a en effet été lancée en 2016 par Thomas Rau, le fameux architecte germano-néerlandais, qui en a déjà tant fait dans le passé pour favoriser la construction circulaire. Madaster est un registre en ligne de projets de construction que Thomas Rau décrit comme l’état civil des matériaux. À l’aide d’un bâti immobilier modélisé téléchargé et suffisamment détaillé, Madaster peut convertir toutes les données sur les matériaux et les produits utilisés en un passeport matériaux et offrir de nombreuses informations sur la valeur circulaire et l’empreinte carbone d’un bâtiment.

« Tout le monde dit être concerné par la circularité, mais c’est difficile à vérifier. » Pour Johan Klaps, directeur de Madaster Belgium, la plateforme change la donne dans le secteur de la construction circulaire. « Madaster fournit un score concret et transparent de la circularité, un peu comme le fameux score EPC : une structure est circulaire à concurrence de X pour cent. Les bâtiments peuvent ainsi être comparés, ce qui permet de faire les bons choix lors de la phase de conception. »

Avantages financiers

Savoir avec précision quels matériaux de construction sont utilisés, comment ils sont fixés et, surtout, lesquels peuvent être réutilisés, c’est évidemment très bien pour l’environnement. Les objectifs de durabilité et la législation (européenne) en la matière sont de plus en plus exigeants : la transparence obligatoire des matériaux, c’est pour bientôt ! Les acteurs de la chaîne de construction sont donc plus enclins à opter pour Madaster, parallèlement à leurs éventuelles ambitions respectives. Le passeport Madaster inclut toutes sortes de données sur la détachabilité, les cycles de vie et le potentiel de recyclage et fournit à ce titre un nouvel éclairage sur la valeur résiduelle d’un bien. Les matériaux s’affirment comme un atout supplémentaire, en plus du terrain et de la structure du bâtiment.

De manière générale, Madaster permet d’augmenter la rentabilité des activités de construction et de rénovation. Par ailleurs, les architectes et les démolisseurs peuvent eux aussi en retirer de nombreux avantages en termes de transparence et d’efficacité. Il n’est pas non plus irréaliste de penser qu’un enregistrement sur Madaster offrira dans un avenir proche des conditions de financement plus favorables, comme c’est déjà le cas pour des projets d’envergure dans certaines banques néerlandaises. Environnement et finance sont par ailleurs liés : si, dans quelques décennies, il s’avère que des ouvriers du bâtiment ont travaillé avec un produit nocif pendant des années, les zones polluées pourront être localisées et traitées beaucoup plus facilement.

Acceptation du marché

Le cadastre des matériaux a déjà prouvé son utilité sur plusieurs marchés, entre autres aux Pays-Bas. Il n’est toutefois pas possible de le copier et de le déployer tel quel dans tous les pays en raison de la spécificité des systèmes de classification. À l’été 2021, le département belge s’est mis au travail pour en permettre une large utilisation dans notre pays également. Les nombreux avantages offerts par la plateforme, l’importance que lui accorde un nombre croissant d’institutions financières et la pression croissante des gouvernements incitent un grand nombre d’acteurs du secteur de la construction à opter pour Madaster. Le fait que le registre numérique ait déjà été pleinement accepté par le marché néerlandais et que les banques mais aussi les promoteurs tirent clairement parti des possibilités offertes par Madaster est un signe très prometteur.

Pour lancer comme il se doit la plateforme sur le marché belge, Madaster a d’abord mis en place un réseau de ‘partenaires Max’. « Rendre le modèle d’abonnement directement accessible à tous, n’aurait pas été une bonne idée », explique Johan Klaps. « Nous avons donc réuni un certain nombre de grandes entreprises qui ont immédiatement adhéré au projet, qui étaient prêtes à l’expérimenter et à soutenir le concept. » Les partenaires Max sont issus d’horizons divers : entreprises de construction, architectes, producteurs de matériaux, promoteurs immobiliers, consultants ou spécialistes du recyclage. « Grâce au feed-back des partenaires Max, nous avons pu apporter les adaptations nécessaires et lancer la plateforme début janvier en proposant une formule d’abonnement à prix attractif », ajoute Johan Klaps.

Pour pouvoir afficher une utilisation aussi large que possible, comme l’espèrent les concepteurs de Madaster, il est important d’offrir un service abordable et à faible coût. « Ce n’est pas en proposant un produit de niche aux poids lourds du secteur que celui-ci va changer. Idéalement, chaque bâtiment doit disposer d’un passeport matériaux et, pour ce faire, il faut également obtenir l’adhésion des petits acteurs. Actuellement, nous visons donc le volume : nous essayons de conclure un maximum de partenariats. »

Responsabilité sociétale

« L’objectif de Thomas Rau n’est pas de s’enrichir grâce à ce projet », affirme Johan Klaps. « Ce qui est en jeu ici, c’est la responsabilité sociétale des entreprises, même si une société privée doit évidemment avoir un modèle économique viable et être rentable. Nous n’avons pas non plus d’exclusives. Ce qui nous importe encore une fois, c’est que la plateforme soit largement utilisée, tout le monde doit pouvoir s’abonner et bénéficier des produits d’assistance liés à l’affiliation. Madaster est d’ailleurs chapeautée par une fondation qui vérifie si nous restons fidèles à nos objectifs de départ. »

La plateforme Madaster présente également un autre avantage : elle offre un lieu de stockage sécurisé où sont rassemblées diverses informations relatives aux projets de construction. Selon Johan Klaps, le fait que Madaster gère une grande quantité de données n’est pas non plus une source d’inquiétude. « Nous n’en faisons rien, les données restent la propriété du détenteur du passeport. » Madaster entrevoit néanmoins d’autres opportunités à plus long terme en matière de données. « A une échelle suffisamment grande, nous pourrions créer un outil d’exploration urbaine à partir de métadonnées anonymisées : on pourrait par exemple créer des flux de matériaux entre un projet de démolition et un nouveau projet de construction. »


Cet article est paru dans le Top Construction qui est disponible en PDF.

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