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Les CIO craignent les hackers, les job hoppers et l’inflation

La crise du coronavirus a donné un sérieux élan au mouvement de digitalisation des entreprises belges. Mais la crise suivante – celle que nous vivons pour l’instant – va inévitablement à nouveau enrayer la tendance. Quel avenir pour l’informatique et la digitalisation ? (Dries Van Damme)

Le coronavirus nous aura au moins apporté un bienfait :  la digitalisation des entreprises. Selon le cabinet de conseil McKinsey, les entreprises européennes ont fait un bond de trois ans sur le plan de la digitalisation des interactions avec les clients.

Il est vrai que le monde des entreprises pourra aisément faire face à une nouvelle vague. Les mesures de soutien au télétravail sont une réalité et nous avons acquis une grande expérience en la matière. Mais nous ne sommes pas revenus à la normale pour autant. La guerre en Ukraine a déclenché une réaction en chaîne, qui confronte à nouveau les entreprises à un énorme défi.

La sécurité, une priorité absolue

Le Priorities Compass de Beltug est on ne peut plus clair à ce sujet. L’association belge des décideurs IT a en effet mené une enquête sur les priorités en matière d’informatique et de digitalisation auprès de 378 CEO, CIO, responsables IT et autres décideurs d’entreprises belges. « La sécurité est en tête de liste des priorités », déclare Danielle Jacobs, CEO de Beltug. Et c’est précisément parce que la digitalisation a progressé à grands pas ces dernières années – et que les cyberrisques augmentent en même temps – qu’une stratégie de sécurité informatique efficace apparaît aujourd’hui indispensable.

Mais toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. En matière de sécurité informatique aussi, on parle de « seuil de pauvreté ». Toutes les entreprises ne disposent pas des ressources nécessaires pour sécuriser leur environnement informatique comme il le faudrait. Les entreprises belges ont clairement progressé en termes de sensibilisation, elles comprennent mieux qu’elles doivent renforcer leur sécurité informatique, mais elles constatent qu’elles ne disposent pas du budget nécessaire à cet effet.

Petites et grandes entreprises

Impossible ici d’établir une distinction nette entre petites et grandes entreprises. Une entreprise de construction peut être grande en taille et en occupation de personnel, mais travailler avec une équipe IT relativement restreinte. Dans d’autres sociétés, l’ensemble du personnel dépend littéralement de l’IT.

« D’une manière générale, nous constatons que les départements IT sont conscients de la nécessité de développer une politique de sécurité », explique Danielle Jacobs. « Ce qui importe bien plus toutefois, c’est l’adhésion du conseil d’administration. Elle est vraiment essentielle et à ce niveau, la situation est bien souvent très différente. » Ce qui est frappant dans l’étude, c’est que les petites et grandes entreprises indiquent toutes que la sécurité est leur principale priorité. « C’est la première fois que cela ressort aussi nettement. Les différences étaient plus marquées auparavant. »

Le cloud d’abord…

Sans doute ce phénomène s’explique-t-il dans une large mesure par le succès du cloud. Si les petites entreprises ont été plus promptes à adopter des logiciels dans le cloud, les grandes entreprises abandonnent elles aussi progressivement leurs propres data centers et serveurs internes. 

Dans le cadre d’une stratégie cloud-first, les entreprises vont systématiquement privilégier une application cloud lorsqu’elles optent pour une nouvelle solution. Cette tendance s’observe surtout au sein des petites entreprises. Dans les grandes organisations, les obstacles au cloud-first sont souvent plus nombreux. Et bien entendu, certaines entreprises comme les banques par exemple tiennent absolument à conserver en interne la gestion de leurs données sensibles.

... mais pas pour tout, ni pour tous

« Tout ne disparaît pas dans le cloud », affirme Danielle Jacobs. « Il existe encore des entreprises qui construisent leurs propres data centers ». Cependant, la nouvelle étude de Beltug indique que le choix de l’infrastructure IT est compliqué. Décider ce qu›il convient de transférer dans le cloud et ce qu’il est préférable de conserver en interne reste en soi une affaire complexe. Et il est encore plus difficile ensuite de s’engager avec le fournisseur cloud le mieux adapté à ses besoins.

« Les décideurs IT ont bien du mal à estimer leurs coûts futurs et à optimiser la gestion de leurs logiciels en raison de la complexité des contrats et du manque de transparence des modèles de licence », poursuit Danielle Jacobs. « Sans surprise, ils se demandent à quelles augmentations de prix ils peuvent s’attendre pour leurs contrats cloud et de sourcing IT, vu l’inflation et la hausse des coûts de l’énergie. C’est une question très importante, qui a un impact majeur sur la digitalisation ultérieure de notre économie. »

I comme…

Inflation : le mot est lâché, même lorsqu’on parle de digitalisation. La digitalisation repose en effet sur le développement de nouvelles applications, sur l’investissement en matériel, en logiciels et en personnel. Et l’indexation de tous ces coûts IT est extrêmement préoccupante. « Les budgets IT n’augmenteront pas au même rythme que l’inflation », affirme Danielle Jacobs. « L’inflation aura donc un impact sur la digitalisation et les entreprises vont freiner leurs projets en la matière ». 

Autre souci : les taux de change. De nombreux contrats informatiques sont des contrats négociés en dollars. Les entreprises belges paient donc plus pour obtenir le même produit. En outre, les problèmes d’approvisionnement rendent la situation encore plus complexe. Il est aujourd’hui très difficile d’estimer quand une commande de matériel sera effectivement livrée, notamment à cause de la pénurie de puces. « Les entreprises anticipent et passent leurs commandes plus tôt », explique Danielle Jacobs. « Mais tôt ou tard, les conséquences se feront sentir. Une entreprise qui a commandé plus que le strict nécessaire cette année investira probablement moins l’année prochaine ». 

Cherche talents, désespérément

Et puis il y a la rareté des profils IT, les prix des spécialistes ne font qu’augmenter. Une enquête menée par l’agence de recrutement Robert Half montre que la gestion des talents est une des préoccupations majeures des CIO belges. Ce n’est pas vraiment surprenant : ils ont surtout du mal à trouver des spécialistes capables de travailler sur des projets de sécurité, l’autre grande priorité du moment.

« La dernière génération d’informaticiens est très consciente de sa rareté sur le marché », confie Danielle Jacobs. « Elle y réagit notamment par des exigences élevées en termes de rémunération ». C’est ce qu’ont constaté les enquêteurs de Robert Half. Quatre CIO sur dix se disent inquiets : ils se demandent s’ils pourront continuer à offrir à leurs collaborateurs un salaire compétitif à long terme.

Le retour du job hopper

Trois CIO sur 10 constatent qu’un nombre croissant de travailleurs demandent une contre-proposition après avoir reçu une offre d’un autre employeur. Le fait de recevoir une contre-proposition incite ces collaborateurs à réfléchir à leur emploi et à leur salaire actuels. Il les invite à tester jusqu’où leur employeur est prêt à aller.

Le job hopping semble donc de retour. « Cela débouche parfois sur des frictions », dit Danielle Jacobs. « Certains jeunes débutants qui arrivent à bien mener leur barque se retrouvent à gagner davantage que les profils expérimentés actifs dans l’entreprise depuis longtemps. » Pour les RH, résoudre ce genre de problème, ou à tout le moins l’encadrer correctement, est un sérieux défi.


Cet article est paru dans le Top 5.000, qui est disponible en PDF.

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