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La construction hors site : Une question d’économie d’échelle

La construction hors site promet efficacité et durabilité. Mais les coûts élevés, les défis logistiques et le conservatisme des maîtres d’ouvrage ainsi que d’une partie du secteur de la construction freinent son essor en Belgique. (Laurenz Verledens)

Le secteur belge de la construction s’enorgueillit à juste titre de ses normes de qualité élevées et de son savoir-faire, mais les méthodes traditionnelles montrent leurs limites et l’écart de productivité avec d’autres secteurs ne cesse de se creuser. Les nouvelles technologies, telles que les drones, les exosquelettes ainsi que les robots de maçonnerie et de transport font déjà leur apparition – sans grand enthousiasme, certes – sur nos chantiers. Mais ces innovations ne changent pas grand-chose au processus de construction, parfois archaïque.

Un changement radical n’est possible que si le monde de la construction s’affranchit du chantier. Et il semble que les choses bougent dans le domaine de la construction dite industrialisée ou hors site. Même si la confiance et les espoirs placés dans la « maison sortie d’usine » ont été sérieusement ébranlés en 2021 par la faillite de Katerra, un constructeur hors site américain très ambitieux qui avait impressionné par son processus de production entièrement intégré.

Selon Luc François, chef de projet chez Buildwise (le centre d’innovation du secteur de la construction), la construction hors site couvre un spectre très large et va bien au-delà de la maison prête à l’emploi sortie d’usine. « J’ai travaillé pendant 20 ans dans l’industrie du préfabriqué, qui est aussi une forme de construction hors site. Les fenêtres et les portes, par exemple, sont produites hors site. Pour les constructions à ossature bois, de nombreux murs et planchers sont fabriqués industriellement. Ces éléments de construction en 2D sont ensuite assemblés sur site. C’est une étape supplémentaire vers la construction hors site. Sans parler du modèle 3D, qui permet de construire aussi bien des petits modules isolés que des maisons complètes composées de plusieurs modules. »

Des avantages, mais aussi des défis

Parmi ceux qui remettent en question le modèle de construction traditionnel, il y a le constructeur de logements et entrepreneur-intégrateur, CIRCL, filiale du groupe Vanhout. « Nous ne fabriquons pas nous-mêmes mais nous développons et modélisons la maison, puis assemblons les éléments et composants sur le site, comme un puzzle. » CIRCL s’appuie sur une approche design & build, menée en collaboration avec des architectes externes, ainsi que la participation directe du client. Elle mise majoritairement sur le sur-mesure, mais travaille avec des modules et des éléments standardisés.

Pour Wim Pieters, la prévisibilité, qui réduit les coûts de défaillance, est un des principaux avantages de la construction hors site. « Contrairement à la construction traditionnelle, où il reste de nombreux problèmes à résoudre sur chantier, la construction hors site met un terme à l’improvisation : le résultat final est connu à l’avance. Ce niveau de contrôle du processus favorise l’efficacité et permet d’automatiser, ce qui, à terme, peut avoir un effet bénéfique sur les coûts. » Luc François le confirme : « L’environnement contrôlé en usine et les processus répétitifs favorisent une meilleure qualité du produit et une finition cohérente. »

Tous deux mettent en évidence les avantages de la construction hors site pour rendre le processus de construction plus durable : moins de défaillances entraînent une utilisation plus efficace des matériaux. « En usine, la gestion des déchets est également mieux maîtrisée », note Wim Pieters. Enfin, la construction hors site facilite l’application de principes de construction circulaire. « Elle génère en outre moins de désagréments pour l’environnement du chantier », ajoute Luc François. « La durée du chantier est quoi qu’il en soit plus courte et les déplacements vers et depuis le site sont moins fréquents. »

Par ailleurs, le transport – en particulier des grands modules 3D – reste complexe. Le stockage des modules 3D nécessite énormément d’espace. « Le transport par route est un vrai casse-tête et doit souvent être effectué de nuit », explique Luc François. « De plus, avec ce genre de module 3D, on transporte en fait beaucoup d’air. Mais sur place, le montage et la finition sont réduits au minimum, ce qui représente un avantage majeur. »

Cette plus grande prévisibilité limite la flexibilité : en construction hors site, il n’est pas question d’ajuster ou de corriger rapidement un élément sur le chantier. L’intégration d’éléments hors site nécessite une planification rigoureuse et une bonne coordination entre les différents intervenants.

Selon Wim Pieters, le principal inconvénient de la construction hors site par rapport à la construction traditionnelle réside dans son surcoût apparent. « Tant qu’il y aura une différence de prix, beaucoup de gens continueront à choisir la construction traditionnelle, où l’entrepreneur assume les coûts de défaillance dans le processus. »

Ronny Eijckmans, PDG du groupe Vanhout, attribue ce prix plus élevé au coût plus important des matériaux utilisés en construction hors site. « Construire un mur classiquement, avec des blocs treillis, reste une solution bon marché, à condition d’avoir des maçons compétents ». « Aujourd’hui, ces blocs treillis sortent des usines par millions », poursuit Wim Pieters. « Il n’y a actuellement pas d’économies d’échelle dans la construction hors site. Or, elles sont indispensables pour pouvoir rentabiliser les investissements dans l’automatisation de la production. »

Un avenir incertain

Wim Pieters et Ronny Eijckmans sont convaincus que le futur de la construction en Belgique réside dans la méthode hors site. « Estimer le moment où elle percera reste difficile », déclare Ronny Eijckmans. « De nombreux facteurs entrent bien sûr en jeu, mais la disponibilité des personnes sur les chantiers reste un élément crucial. Pour l’instant, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est encore comblée par des personnes venant de l’étranger. Si cet afflux disparaît, la transition pourrait s’accélérer. »

Wim Pieters revient sur les nécessaires économies d’échelle et estime à cet égard qu’il faut opérer un changement d’état d’esprit et de culture. « Nous constatons par exemple une certaine réticence à l’égard de la construction à ossature bois. Pourtant, le mode de construction d’un logement et le matériau utilisé ne devraient pas avoir d’importance. » Il regrette aussi le conservatisme du secteur. « Peu de sous-traitants sont disposés à réfléchir avec nous. La plupart souhaitent simplement continuer à travailler avec les produits et les techniques qu’ils connaissent bien. Cet état d’esprit freine l’innovation. »

Wim Pieters s’adresse également au gouvernement. « Le changement doit avant tout venir de l’industrie et des entreprises, mais le gouvernement peut également jouer un rôle en tant que maître d’ouvrage majeur. Au Royaume-Uni, les cahiers des charges pour la construction d’écoles, d’hôpitaux et de prisons stipulent qu’une partie des projets doit être réalisée de manière industrielle, et la construction hors site s’y affirme comme un secteur d’activité de plusieurs milliards. »


Le biocomposite

Les constructeurs hors site recourent souvent à des matériaux classiques tels que le bois, l’acier et le béton. Holland Composites prouve qu’une autre voie est possible. Ce spécialiste néerlandais des structures composites a créé Qspace, une solution de logement modulaire avec des murs en biocomposite Duplicor. « Notre matériau de base est une résine à base de tiges de canne à sucre et de maïs », explique Sven Erik Janssen, directeur commercial. « Ce matériau léger, solide, résistant au feu et durable, a une structure fine qui permet d’augmenter l’espace intérieur utilisable. Nos façades en Duplicor ne font que 180 mm d’épaisseur et pèsent moins de 25 kg/m², contre 400 mm et 500 kg pour une façade en béton aux performances équivalentes. »

Rotterdam accueillera le premier projet Qspace, des unités de logement modulaire d’une superficie standard de 21 m2. Elles sont équipées d’un chauffage électrique, d’un chauffe-eau, d’une installation électrique, d’un câble réseau, d’une cuisine et d’une salle de bain, dans différentes configurations et couleurs. « Aux Pays-Bas – mais en Belgique aussi je pense – les besoins en logements flexibles sont élevés, ils doivent être à la fois temporaires et permanents, et leur mode de construction doit être rapide et efficace », poursuit Sven Erik Janssen. « Nos modules de logement sont facilement empilables et peuvent être placés à différents endroits. »

Qspace n’est pas la première réalisation de Holland Composites. Dans les années 1990, elle avait mis au point la Spacebox, une unité de logement modulaire principalement utilisée pour les étudiants. Elle a également fourni des façades en biocomposite pour The Pulse, un prestigieux immeuble à usage mixte situé dans le quartier Zuidas à Am-sterdam. Elle participe également à la rénovation du siège social d’ABN AMRO, qui sera flanqué de deux étages supplémentaires. Le concept et le nouveau matériau ne rencontrent-ils pas une certaine résistance dans le secteur de la construction ? « Notre matériau est utilisé depuis huit ans, il n’est donc plus vraiment nouveau », répond Sven Erik Janssen. « Il nécessite un changement de mentalité, car il est différent des matériaux traditionnels comme le béton ou l’acier. Tout comme nous sommes passés des téléphones à cadran rotatif aux smartphones, il faut un certain temps pour que l’innovation se banalise partout. » 

Les Qspaces ont également un lien avec la Belgique : ils sont fabriqués chez Indupol à Arendonk, en Campine. « Nous sommes un collègue-concurrent de Holland Composites depuis 30 ans », explique Hardy Van Mierlo, responsable de la recherche chez Indupol. « Ils manquaient de capacité de production à cause de la demande croissante de matériaux innovants. Nous disposons de l’expertise et de l’espace nécessaires pour produire des pièces composites à grande échelle. Nous fabriquons également les sols biocomposites Duplicor, une alternative aux fondations traditionnelles et aux sols en béton. » Hardy Van Mierlo estime que les Néerlandais sont plus ouverts aux matériaux et aux méthodes de construction innovants. « Pourtant, la Belgique est aussi confrontée à une pénurie de logements. Nous aussi, nous bénéficions donc de méthodes qui permettent de construire plus efficacement. »

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