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Industrie automobile : en quête de semiconducteurs

Tous ceux qui ont récemment apposé leur signature au bas du bon de commande d’une voiture le confirmeront : par rapport à ce qu’il se passait avant l’épidémie de coronavirus, les délais de livraison se sont démesurément allongés. Les constructeurs sont confrontés à des pénuries de pièces détachées et la concurrence fait rage à l’échelle mondiale, surtout pour les puces. (Frederic Petitjean)

Une Audi e-tron compte quelque 6.000 composants, du châssis au câblage en passant par la batterie et le moteur électrique. Le hall Audi à Forest, où se fait le montage de l’e-tron, est relié par un pont à un centre logistique, et finalement au monde entier. Des trains et des camions déchargent ici des produits façonnés en provenance de 300 fournisseurs répartis sur 550 sites dans 37 pays d’Europe, d’Asie, d’Afrique et d’Amérique. « Comme dans tout le secteur automobile, notre chaîne d’approvisionnement est fortement mondialisée », explique Dirk Große-Loheide, directeur Achat et IT chez Audi. Cela fait déjà deux ans et demi que son équipe et lui travaillent dans des conditions exceptionnelles. Citons tout d’abord le coronavirus qui a semé le chaos dans un système aussi vulnérable que le transport de marchandises aux quatre coins de la planète, puis la guerre en Ukraine.

De nouvelles fractures sont apparues dans la chaîne d’approvisionnement tandis que les prix de l’énergie et des matières premières flambaient. Les acheteurs ont compris à quel point ils sont dépendants de la Russie, de la Chine et d’autres États autocratiques. Chez Volvo Cars, on suit aussi la situation de très près. Luk Van Reybrouck, Directeur Supply Chain Risk Management, cite le coronavirus, la guerre en Ukraine et les flambées de COVID qui se succèdent en Chine. « Il faut encore ajouter le fait que malgré tout, l’économie est restée relativement florissante. Les pièces arrivent au compte-goutte tandis que la demande en voitures se maintient à un niveau  élevé. »

Chips wanted

Presque tous les constructeurs automobiles cherchent désespérément des moyens de faire reculer le tourisme des pièces détachées. « Globalement, le montage pour le marché européen (surtout celui des véhicules électriques) se déplace de plus en plus vers l’Europe, tout comme les services de livraison », affirme Martin Linder, expert automobile chez McKinsey, la société de conseil. Les fournisseurs chinois sont peut-être en mesure de proposer des produits semi-finis à moindre coût, mais les constructeurs européens ne tiennent plus compte uniquement du prix, ils font actuellement aussi attention à l’empreinte CO2 et à la résilience de la chaîne d’approvisionnement. Mais s’affranchir des liens internationaux n’a rien d’une sinécure, comme le montre le problème des semi-conducteurs, ou puces, dans l’électronique.

« En fonction de l’équipement, une e-tron peut compter plus de 6.000 puces », précise Dirk Große-Loheide. Elles se dissimulent dans des composants qui sont livrés prêts à l’emploi par des fournisseurs de systèmes comme Bosch, ZF ou Continental. Sans elles, la navigation, l’air conditionné ou l’infotainment du véhicule ne fonctionneraient pas.

« Un des problèmes vient du fait que le modèle de production des puces diffère fondamentalement de celui des voitures », ajoute Luk Van Reybrouck. « La demande de l’industrie automobile suit un cycle très éloigné de la stratégie d’investissement des fabricants de puces. Un modèle de véhicule reste généralement disponible cinq ou sept ans. Ce qui implique que nous avons besoin de puces d’une taille spécifique pendant plusieurs années, alors que leurs fabricants concentrent attention et investissements sur les nouvelles générations qui sont beaucoup plus petites. Sans compter que la production est extrêmement complexe. Une poignée seulement d’entreprises proposent des plaquettes de silicium ou wafers, notamment Samsung et TSMC, si bien qu’augmenter les cadences de production n’a rien d’évident. Ces wafers partent ensuite chez des fabricants de semi-conducteurs comme Infineon et Melexis. Nous sommes en outre en concurrence avec des entreprises actives dans l’électronique grand public qui réclament aussi des puces à grands cris et sont généralement en mesure de garantir aux fabricants des achats en plus grande quantité encore. »

Odyssée

La transformation des plaquettes non finies en puces automobiles montre d’emblée toute la complexité de l’opération. Prenons l’exemple d’Infineon qui achète ses wafers à des fabricants en Europe et en Chine. L’entreprise appose des circuits microscopiques sur ces wafers dans ses usines allemandes, situées à Ratisbonne et à Dresde. Les plaquettes s’envolent ensuite pour les Philippines, où elles sont découpées en petites puces et dotées d’un revêtement. De là, elles partent à Singapour pour être testées. Infineon envoie alors les puces finies à l’un de ses clients en Europe qui les intègre dans un élément spécifique pour voiture et les livre enfin aux constructeurs automobiles.

Une telle odyssée ne posait aucun problème par le passé. Jusqu’à ce que la pandémie rompe la chaîne d’approvisionnement. Et aujourd’hui, tout le monde craint que la Chine mette la main sur les principaux fabricants de puces en Asie en cas d’annexion de Taïwan. Stopper totalement les livraisons deviendrait alors simple comme bonjour. Les États-Unis et l’Europe ont lancé d’énormes programmes de subvention pour attirer davantage de fabricants de puces.

« Ce n’est pas facile de créer de toutes pièces une usine à puces pour se doter d’une capacité supplémentaire », indique Luk Van Reybrouck. « Presque tous les fabricants s’y sont mis, mais il faut compter au bas mot deux à trois ans pour qu’un nouveau site soit opérationnel. Sans oublier que le volume de production augmentera, mais que la demande ne fera que croître elle aussi. Un véhicule électrique nécessite plus de puces qu’une voiture à moteur thermique, tandis que le nombre de systèmes d’aide à la conduite grandit sans cesse. »

Luk Van Reybrouck prévoit néanmoins une amélioration pour les prochaines années. Les capacités de production augmentent progressivement tandis que la demande en provenance de l’électronique grand public semble avoir atteint son point culminant. Ce qui libèrera plus de volume pour d’autres secteurs. « Le pire est probablement passé, mais avant que les réserves nécessaires dans le flux soient reconstituées, il faudra certainement patienter six mois, voire un an », estime notre monsieur Volvo. 


Cet article est paru dans le Top Industrie qui est disponible en PDF.

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