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Fusion Anvers – Zeebruges : avec quelle plus-value ?

Maintenant que l’Autorité belge de la Concurrence a donné son feu vert, plus aucun obstacle ne s’oppose à la fusion entre les ports d’Anvers et de Zeebruges annoncée en 2021. Celle-ci redessine en profondeur le paysage portuaire belge, c’est une certitude. Reste à savoir si ce port unifié changera aussi la donne au niveau international. (Filip Michiels)

Ils portent désormais un nouveau nom, Port of Antwerp-Bruges, et affirment que cet ensemble unifié va se positionner comme le principal port à conteneurs en Europe. La nouvelle entité représente plus de 72.000 travailleurs mais aussi plus de 1.300 entreprises à Anvers et 400 à Zeebruges. Lors de sa présentation début 2021, la plus-value du projet de fusion pour la transition énergétique en cours a été maintes fois soulignée. Ces dix dernières années, Zeebruges s’est développé jusqu’à devenir l’un des principaux ports méthaniers en Europe, c’est aussi une voie d’accès direct aux parcs éoliens de la mer du Nord, dont le nombre gonfle sans cesse. De son côté, Anvers peut s’enorgueillir d’être le principal cluster chimique européen. L’énergie verte de Zeebruges pourrait donc y être transformée en hydrogène vert qui serait ensuite utilisé dans les usines chimiques anversoises.

Anvers et Zeebruges surfent sur une tendance plus large à l’échelle européenne qui voit des ports d’une même région fusionner dans l’espoir de constituer un ensemble plus percutant. Le port de Gand donnait déjà l’exemple en fusionnant avec les ports néerlandais de Vlissingen et de Terneuzen. Anvers et Bruges négociaient une éventuelle fusion depuis longtemps, mais ces projets avaient tous échoué pour des questions d’égo principalement. « Il y a des années déjà que nous cherchions des éléments probants sur les avantages et les inconvénients d’une éventuelle fusion pour le compte du gouvernement flamand », se souvient Eddy Van de Voorde (UA), économiste des transports. « L’une des pistes de réflexion était une fusion à trois, le port de Gand s’ajoutant donc aux deux autres. Le regroupement des trois grands ports flamands aurait dès lors mis un terme immédiat aux incessantes discussions au sein de la Commission portuaire flamande au sujet des aides à l’investissement à distribuer à ces entités. Les pouvoirs publics n’auraient plus eu qu’un seul interlocuteur, qui aurait alors dû choisir lui-même les nouveaux projets qui feraient l’objet d’une demande d’aide. La fusion ne s’est pas faite et aujourd’hui, ce scénario est évidemment dépassé. Mais c’est en partie grâce à lui qu’Anvers et Zeebruges ont fini par tomber dans les bras l’un de l’autre. J’ai le sentiment que cette fusion vient trop tard et qu’elle n’aura plus autant d’impact dans le contexte économique mondial d’aujourd’hui. »

Singapour

Eddy Van de Voorde rappelle qu’en réalité, le trafic dans les ports n’est pas vraiment déterminé par les autorités portuaires mais par les chargeurs et les grandes sociétés de conteneurs qui opèrent dans le monde entier. « J’ai ouvert les yeux il y a quelques années à Singapour. Une grande carte était accrochée au mur, sur laquelle une unique épingle signalait les ports d’Anvers, de Zeebruges et de Rotterdam. Ils considéraient de facto ces trois ports comme une seule zone de navigation. La seule chose que la direction d’un port peut vraiment faire, c’est faciliter. Ce sont donc principalement les grandes entreprises privées qui vont décider des plus-values de cette fusion, pas les autorités portuaires. Par contre, la fusion actuelle de l’administration des deux ports aboutira certainement à un exercice d’efficacité administrative. Et si Anvers n’avait pas réussi à décrocher l’un ou l’autre contrat en raison de problèmes de capacité, Zeebruges peut aujourd’hui constituer une éventuelle solution. Les deux ports cesseront aussi de se mettre des bâtons dans les roues mais ça n’ira pas beaucoup plus loin. » Eddy Van de Voorde met en garde contre les attentes inconsidérées concernant une coopération opérationnelle poussée entre les deux ports. Ils sont séparés par une centaine de kilomètres et une telle distance entraînera des coûts additionnels. « Dans le meilleur des scénarios, les deux sites enregistreront une croissance, sans devenir dépendants l’un de l’autre. Et si dans les années à venir, des centaines de milliers de tonnes de trafic supplémentaire venaient effectivement à circuler entre Zeebruges et Anvers, il faudra aussi consentir des investissements non négligeables. Car les connexions actuelles par voie ferrée ou par eau ne suffiront pas. »

Complémentarité

La question clé est donc de savoir si la complémentarité entre les deux ports est suffisante pour justifier une fusion en 2022. La capacité en conteneurs par exemple constitue aujourd’hui un point sensible à Anvers. « Zeebruges peut se positionner comme une alternative valable, mais qui implique aussi une hausse des frais de transport. Les conteneurs qui ont pour destination, disons, l’Allemagne ou la Pologne doivent être acheminés plus loin, sans compter que les possibilités offertes par la navigation intérieure sont nettement moins nombreuses à Zeebruges. » D’un autre côté, le fait est que désormais, les deux ports cesseront de se faire concurrence et formeront un grand port unique pour les grands chargeurs aussi dans la réalité, avec deux points d’arrivée qui peuvent tout à fait être complémentaires dans certains domaines. « C’est vrai, à condition qu’ils restent tous les deux compétitifs et performants par rapport aux véritables rivaux que sont les ports de Rotterdam et de Hambourg. Par contre, qu’ils s’endorment une fois éteinte la compétition qui les opposait et ces gros concurrents néerlandais et allemand ne feront qu’une bouchée d’eux ! N’oublions pas que ces dernières années, le port de Rotterdam a créé une capacité supplémentaire de 12 millions d’EVP. Il a donc la possibilité de mener une politique tarifaire plus agressive pour rentabiliser cette capacité au maximum. En revanche, le changement d’échelle qui s’intensifie aussi du côté des chargeurs et des grandes sociétés de conteneurs modifie radicalement la donne, si bien que le poids des administrations portuaires diminue toujours plus partout dans le monde. » 


Les ports d’Anvers et de Zeebruges terminent l’année 2021 en position de force

En 2021, malgré une chaîne d’approvisionnement régulièrement perturbée, le port anversois a enregistré de beaux résultats. Le transbordement de marchandises a atteint un total de 240 millions de tonnes, une croissance de 3,8% par rapport à 2020 et même une petite amélioration par rapport à l’année record 2019. Si le trafic de conteneurs a très légèrement baissé, les marchandises isolées conventionnelles ont bondi de près de 73%, l’augmentation se marquant avant tout dans la part de l’acier. Pour le vrac sec, ce sont surtout les engrais qui réalisent une forte hausse. Le transbordement de diesel et de mazout s’est nettement contracté, tandis que le transbordement de produits chimiques a progressé d’un peu moins de 13%, soit le meilleur résultat jamais réalisé.

Le port de Zeebruges peut lui aussi s’enorgueillir d’une année fructueuse, et d’une croissance globale de 4,6%. Au total, il a presque atteint le cap des 50 millions de tonnes, le manquant de très peu, si bien que 2021 entrera dans l’histoire en deux-ième position des meilleures années. À Zeebruges, les marchandises isolées (+6,7%) mais surtout les conteneurs (+15%) arrivent nettement en tête. Seul le vrac liquide a perdu du terrain (-11%). Après le Brexit, les liaisons avec l’Irlande qui avaient été mises en place bien avant ont constitué un atout solide. Le transport sur les lignes maritimes avec le Royaume-Uni a reculé de 4,1% alors que les destinations irlandaises ont réalisé une hausse de 38,7%.


 Cet article est paru dans le Top Transport, qui est disponible en PDF.

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